Avec son autorisation, je publie ici ce texte de Catherine Talabard, écrit après la lecture de « L’Isle ou la mémoire du sable ».

Belle Isle-en-Mer, personnage principal du livre, serait-elle pour Jean-Marie Quéré une trace effacée ? Ce qui ne cesse pas de s’écrire ; ce qui ne cesse pas de ne pas s’écrire.

L’Isle semble être la trace de ce qui s’écrit dans le sable de la chair de Jean-Marie Quéré, son tourment, « tels un nœud serré et toujours prompt à relancer sa crampe de douleur et d’angoisse. ». Ce nœud essentiel à la vie et constitutif du sujet procède d’une défaillance qui ici nous met sur la voie, mais aussi la voix, paternelles.

Perdre dans le sable et retrouver dans sa chair l’objet élu que l’on a été pour l’Autre « …l’importance que j’avais pour elle, qu’elle seule pouvait me donner » : sa grand-mère, abandonnée comme femme par son mari. Au regard de la filiation, Belle-Isle serait aussi la trace effacée d’un grand-père qui a pris le large et que son fils ne retrouve jamais. Ou peut-être à travers ses enfants ? Sinon grâce à l’Isle ?

Ici l’auteur nous montre qu’il est possible de faire passer à la vie ce qui s’est présenté comme une faille, une perte. C’est aussi cette absence paternelle qui pousse chacun vers Belle-Isle , le père du narrateur d’abord, non sans l’étrangeté quant à son propre désir.

L’Isle permet à Jean-Marie Quéré d’inscrire son désir dans la vacuité du monde.

Je le remercie ; ce qui s’écrit ne s’inscrit pas une fois pour toute, produisant de la différence à chaque répétition ; ainsi se manie l’énigme de notre désir.

Catherine Talabard – Psychanalyste à Clermont-Ferrand